Emmagasinée par la bouche avant d’être rejetée après inspiration, la fumée contient près de 4 000 substances toxiques dont au moins 50 cancérigènes. Quels sont les dangers du tabac sur la santé de la bouche ?
Les campagnes anti-tabac fleurissent chaque année et traquent toujours un peu plus les fumeurs. Ils savent leur santé menacée mais ont peu conscience des dégâts qui se développent à bas bruit dans leur bouche. Mais bonne nouvelle : avec l’arrêt du tabac les parodontopathies cessent de progresser et les méfaits s’estompent visiblement.
Fumer, masque les symptômes
Apparemment tout va bien. Pas de gencive enflée ni de saignement au brossage. Et ce sont bien souvent les colorations des goudrons (résistantes au brossage) qui poussent le patient fumeur à consulter ! Car les réactions naturelles propres à la gingivite sont camouflées chez le fumeur.
Explications :
- La nicotine stimule la libération d’adrénaline qui entraine une diminution du calibre des vaisseaux.
- Le monoxyde de carbone (CO) est responsable d’une baisse du transport d’oxygène dans les tissus.
Finalement la mauvaise irrigation des gencives par un sang appauvri en oxygène entraine une diminution des signes inflammatoires.
Les autres méfaits du tabac
Fumer a un effet défavorable sur la cicatrisation et augmente les risques :
En parodontite, le tabac altère le fonctionnement de certains globules blancs ce qui entraine une susceptibilité accrue à l’infection. La fonte osseuse est accélérée par augmentation de l’inflammation des tissus en profondeur. Le métabolisme des gencives diminue : elles perdent de leur tonicité et les poches se forment plus rapidement. D’autre part, l’augmentation de la température intra-buccale par les gaz très chauds inhalés (la combustion du tabac étant de l’ordre de 850° C) favorise la prolifération de bactéries pathogènes pour le parodonte et provoque des irritations chroniques qui favorisent la survenue de cancer. Le cancer buccal, 8 à 9 fois sur 10 il survient sur un terrain tabagique (les goudrons sont cancérigènes), surtout s’il s’accompagne d’une consommation abusive d’alcool.
Esthétiquement, le tabac colore les dents et parfois les rend complètement matte et de la couleur du goudron que contient le tabac. À ce moment là, dites adieu à l’espoir d’avoir un jour les dents blanches…
Les questions les plus posées à un parodontologiste
A-t-on un plus grand risque de perdre ses dents en étant fumeur ?
Les parodontites progressent plus rapidement et comme les dégâts sont souvent masqués, le patient fumeur a tendance à consulter trop tard. C’est pourquoi le tabac expose un risque plus important de perte des dents.
Un fumeur suivi par un chirurgien-dentiste ou un parodontiste peut-il être tranquille pour ses dents ?
Pour imager l’agression chimique et thermique du tabac je dis à mes patients fumeurs que chaque cigarette expose leur bouche à un petit « Tchernobyl ». Je les préviens du risque élevé de récidives et d’échecs du traitement parodontal. Je recommande donc une prise en charge régulière à l’issue du traitement actif avec, en moyenne, un contrôle et une maintenance tous les 3 mois.
Petit fumeur, est-il synonyme de petits risques pour le parodonte ?
Il y a 3 facteurs qui rentrent en ligne de compte :
- La quantité de cigarettes fumées par jour : chez le fumeur qui consomme moins de 5 cigarettes par jour, les risques d’aggravation et d’échecs thérapeutiques sont moins importants.
- La masse corporelle : pour une femme de 50 kg, fumer 10 cigarettes par jour correspond en moyenne 1 paquet par jour chez un homme.
- La susceptibilité génétique à l’infection.
Un fumeur peut-il bénéficier d’un traitement implantaire ?
Tout à fait, mais il doit savoir qu’il encourt une augmentation de 20 % des risques d’échecs. Pour les minimiser il devrait, dans l’idéal, cesser de fumer au minimum 15 jours avant et 2 mois après la pose de l’implant.